C’est une petite musique qui va crescendo : et si l’épargne des ménages français et européens servait à financer les besoins économiques de l’Europe ? C’est une proposition formulée par Frédéric Jacob-Peron, président de l’Association française des sociétés financières (ASF), un syndicat regroupant les entreprises du secteur, et relayée par voie de communiqué. Le représentant de l’ASF y suggère la création d’un « « dispositif 360° » pour orienter l’épargne des Français vers le financement de l’économie européenne ».
Dans le détail, Frédéric Jacob-Peron propose un système s’appuyant sur des produits d’épargne préexistants tels que le PEA ainsi qu’une « fiscalité de transmission fortement réduite (5 à 10 %) au bénéfice des enfants et petits-enfants ». Les donateurs désirant transmettre un capital à leurs descendants se verraient incités à investir sur certains supports en action. « Ce dispositif serait doté de sous-jacents européens exclusivement, pour financer l’économie européenne », explique ainsi le communiqué.
300 milliards d’euros à récupérer
Cette idée fait écho à l’idée entonnée par François Villeroy de Galhau en marge du forum économique mondial de Davos, une semaine auparavant. Félicitant l’intervention de la présidente de la Commission européenne au micro de BFM Business, le Gouverneur de la Banque de France avait suggéré de récupérer les « 300 milliards d’euros d’épargne des Européens qui vont s’investir hors d’Europe, et d’abord aux États-Unis […] pour faire face aux besoins d’investissement que nous avons en Europe. »
Des besoins grandissants liés à la transition verte ou la transition numérique et pour lesquels l’Europe devrait investir « près de 1 000 milliards d’euros de plus chaque année » d’ici à 2030, a estimé Christian Noyer dans un rapport remis en avril dernier à Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie et des Finances. Pour cela, l’ancien gouverneur de la Banque de France (de 2003 à 2015) propose de contrecarrer le « sous-développement des marchés de capitaux européens » et d’augmenter « la taille des marchés d’action de l’Union », par le développement de « produits d’épargne européens de long-terme, investis principalement en Europe ». Objectif ? Capter l’épargne financière des ménages européens qui représente « un gisement de plus de 35 000 milliards d’euros, abondé par un des taux d’épargne les plus élevés au monde (13,3 %). »
Un « produit d’épargne européen »
Une volonté émise par l’ancien locataire de Bercy en février 2024 qui avait évoqué le lancement d’un « produit d’épargne européen dont nous définirons les caractéristiques, le rendement, avec les États volontaires ». Une proposition réitérée fin avril, après la remise du rapport Noyer et soutenue un mois plus tard par Emmanuel Macron et Olaf Scholz dans une tribune du Financial Times.
Mais l’idée semble complexe à mettre en œuvre, du fait notamment d’une absence d’une union des marchés de capitaux (UMC) à l’échelle européenne. « Il faudrait créer une place financière unique, à l’image de Wall Street aux États-Unis et harmoniser les règles fiscales, car aujourd’hui la fiscalité est très différente d’un pays à l’autre, ce qui complique la donne », explique ainsi Philippe Crevel auprès de nos confrères du Figaro.
Pour rappel, un produit d’épargne à l’échelle européenne, le produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP), avait déjà vu le jour en 2022. Complémentaire aux régimes de retraite publics et professionnels, il devait permettre aux épargnants de mettre de côté en vue de leur retraite. Dans le même temps, le PEPP devait aider à « orienter l’épargne vers les marchés des capitaux et favorisera ainsi l’investissement et la croissance dans l’UE », dans un objectif plus large de « renforcer l’union des marchés des capitaux », affirmait Bruxelles dans un communiqué de presse paru à son lancement. Loin de l’Ode à la joie, le PEPP n’a jamais rencontré le succès escompté, ne séduisant que très peu les épargnants européens.