Alors qu’une crise politique couve en France, en raison notamment d’un budget pour 2025 qui commence à devenir hypothétique, la question peut se poser de savoir si l’État peut légalement piocher dans l’épargne des ménages. Tout d’abord, il faut rappeler ce que dit le droit : en France, la propriété privée « est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité », comme le rappelle l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (DDHC) de 1789. L’article 544 du Code civil précise, lui, que « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements ».
Philippe Crevel, président du Cercle de l’Épargne, contacté par Merci pour l’info, est formel sur le principe : « Non, l’épargne des ménages appartient aux ménages, l’État ne peut pas unilatéralement décider de piocher dedans ». Pour cela, « il faudrait une décision du Parlement », qui déciderait, par exemple, d’augmenter les impôts ou les taxes sur les revenus de l’épargne, que ce soit les intérêts et dividendes notamment. Il peut aussi « prendre des mesures de sûreté pour éviter une panique, un bank run [des retraits massifs d’argent des banques par les particuliers], comme le prévoit la loi Sapin 2 », précise Philippe Crevel. Officiellement appelée « loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique », votée en 2016, elle permet de bloquer temporairement le rachat des parts d’une assurance-vie afin de stabiliser les marchés financiers.
Et en cas de banqueroute ?
« L’épargne pourrait être atteinte en cas de banqueroute, de faillite des banques », prévient toutefois Philippe Crevel. En 2014, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne (UE), ont mis en place la Bank Recovery and Resolution Directive (BRRD), ou Directive relative au redressement des banques, qui permet d’éviter un effondrement du système bancaire. Transposée en France en 2016, cette directive prévoit en effet un dispositif de « bail-in » (renflouement interne), par opposition au « bail-out » (renflouement externe par l’État). Concrètement, cela signifie qu’en cas de banqueroute, les banques peuvent faire appel à leurs épargnants, mais dans un cadre extrêmement strict. En premier lieu, seuls les actionnaires et les créanciers peuvent être mis à contribution. Dans un 2e temps seulement, et en tout dernier recours, les épargnants peuvent être sollicités, mais uniquement ceux disposant de fonds supérieurs à 100 000 €.
Mais là encore, comme le rappelle Philippe Crevel, cette décision ne pourrait pas être prise unilatéralement par l’État, « ce serait décidé par le Parlement ». Y-a-t-il un risque qu’une telle situation puisse arriver en France ? Pour le président du Cercle de l’Épargne, « on en est loin ». Une telle situation ne s’est d’ailleurs pas produite en France depuis… 1797, avec la faillite des deux tiers. En résumé, non, l’État ne peut pas décider seul de piocher dans l’épargne des Français, même en cas de crise majeure. Si toutefois vous voulez éviter tout risque, le conseil principal que l’on peut donner est celui de la diversification de son épargne. Il vaut mieux éviter d’avoir toute son épargne dans un seul placement, et on peut investir dans des valeurs refuges comme l’immobilier ou l’or.