Ce vendredi 14 mars, dans un communiqué commun dont Merci pour l’info a pu prendre connaissance, les ministres de l’Économie, de la Santé, de l’Agriculture et du Commerce se sont félicités d’avoir adopté la nouvelle version du Nutri-Score. Pour rappel, le Nutri-Score est un système en vigueur depuis 2017, donnant une note de A à E aux aliments vendus en grande distribution.
Ce système de notation permet d’informer les consommateurs sur la qualité globale des aliments, mais également d’encourager les industriels à améliorer la qualité de leurs aliments, et faciliter le conseil nutritionnel pour les professionnels de santé. Antoine Haentjens, responsable d'études alimentaires au Centre d'essais comparatifs à l'Institut national de la consommation (INC), établissement public placé sous la tutelle du ministère de l'Économie en charge de la consommation, déclare à Merci pour l'info : « Nous sommes favorables au nouveau Nutri-Score. Il s'agit d'un affinage de la méthode de calcul de la note qui permettra notamment de prendre en compte des nouveaux paramètres, comme la présence d'édulcorants, de viande rouge, etc. » Le Nutri-Score est d'après lui « un très bon outil pour traduire de façon extrêmement simple (une seule lettre, de A à E) des réalités nutritionnelles parfois difficiles à expliquer ou vulgariser. » L'organisme public Santé publique France se félicite auprès de Merci pour l'info qu' « aujourd’hui la valeur du Nutri-Score en tant qu’outil efficace pour guider les choix nutritionnels des consommateurs n’est plus à démontrer et qu’il remporte d’ailleurs une large adhésion. »
Environ 1 400 entreprises de l’agro-alimentaire ont adopté cet étiquetage, qui est pour l’instant affiché sur la base du volontariat. Le ministère de la Santé précise à Merci pour l’info qu’il n’est pour l’instant pas prévu, du moins à court terme, de le rendre obligatoire. De son côté, l'INC, par la voix d'Antoine Haentjens, se déclare « en faveur d'un Nutri-Score obligatoire, pour le bénéfice des consommateurs. Il s'agit d'un outil qui aide le consommateur à mieux choisir, mais qui pousse également les fabricants à s'améliorer. S'il devient obligatoire, ces derniers seront davantage encouragés à revoir leurs formulations pour proposer des recettes plus saines. » Sur X, la ministre de la Santé Catherine Vautrin s’est félicitée d’un logo qui « s’est imposé dans le quotidien de chacun comme un outil de santé au service des consommateurs ».
La signature de l’arrêté Nutri-score est confirmée et c’est une très bonne nouvelle. Avec 99,6 % des Français ayant déjà vu ou entendu parler du logo en décembre 2023, celui-ci s’est imposé dans le quotidien de chacun comme un outil de santé au service des consommateurs. https://t.co/r4aLyoREZE
— Catherine Vautrin (@CaVautrin) March 14, 2025
De profondes dissensions au sein du gouvernement
La ministre a en effet de quoi se féliciter, puisque la signature de cet accord était loin d’être acquise. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard s’était montrée très critique vis-à-vis du nouveau mode de calcul. La note du Nutri-Score est en effet attribuée en fonction d’un calcul effectué sur 100g ou 100ml de produit. On compte d’un côté la teneur en nutriments et aliments à favoriser comme les fibres, les légumineuses, les oléagineux, et de l’autre la part des aliments à éviter comme le sel, le sucre et les acides gras. Le nouveau mode de calcul est beaucoup plus sévère à l’égard des aliments transformés par la grande distribution.
Pour la ministre de l’Agriculture, ce nouveau mode de calcul (validé par le gouvernement) risquait d’entrainer des « effets de bord » pour « les produits issus du savoir-faire français ». Elle craignait une baisse de la consommation de certains produits, comme le roquefort, par exemple, épinglé pour sa teneur en sel. Le 4 mars dernier, elle affirmait vouloir bloquer la publication de l’arrêté, dénonçant un Nutri-Score qui donnerait de mauvaises notes aux produits « remarquables » du terroir français.
Aujourd’hui encore, sur X, malgré la signature du communiqué de presse commun, elle se montre réservée : « Nutri-Score oui mais… » D’après elle, « le Nutri-Score a des limites qu’il est important de corriger », dénonçant que « trop souvent, nos produits du terroir, sous signe de qualité, sont injustement pénalisés », dénonce-t-elle, appelant à « protéger notre patrimoine culinaire ». Contacté par Merci pour l'info, son cabinet confirme que le problème provient du fait que « les produits du terroir son mal notés, et que cela incite les consommateurs à ne pas en acheter. » Le sujet également, d'après le ministère de l'Agriculture, est que les produits soient notés sur « des portions de 100g », ce qui, toujours d'après le ministère, inciterait les consommateurs à se détourner de ces produits sans donner d'indications ou de conseils sur comment bien les cuisiner ou les accompagner, pour avoir une alimentation riche et variée. Sur ce sujet, Antoine Haetjens précise : « Si le Nutri-Score est un bon outil qui gagnerait à être généralisé, il est nécessaire de réaliser un accompagnement pédagogique pour ne pas qu'il soit mal compris. Certains le considèrent comme un score absolu, alors qu'il a surtout été créé pour discriminer les produits au sein d'une même catégorie. »
📢 #NutriScore oui mais…
— Annie Genevard (@AnnieGenevard) March 14, 2025
J’ai signé aux côtés de @CaVautrin, @Eric_R_Lombard, @yannickneuder et @VeroLouwagie, l'arrêté du #NutriScore.
➡️ Pour autant, le #NutriScore a des limites qu'il est crucial de corriger. Trop souvent, nos produits du terroir, sous signe de qualité,… pic.twitter.com/oJXE1jepjv
Vers de nouvelles discussions
Pourtant, du côté des industriels, certains se sont largement positionnés en faveur du nouveau système de notation. Thierry Cotillard, président du Groupement Mousquetaires (qui comprend Intermarché), affirme dans un post Linkedin que ce nouveau Nutri-Score est « une bonne chose ». Même si le nouveau mode de calcul va conduire à une baisse des notes des produits alimentaires, « cet affichage permet d’éclairer les consommateurs et réduire le risque de maladies ».
« On continuera de reformuler nos recettes pour améliorer les notes. Depuis quelques années, plus de 1 000 recettes ont été revues, et on continuera ! », poursuit-il. Les industriels engagés dans la démarche Nutri-Score ont « deux ans pour mettre à jour leurs emballages et apposer le nouveau Nutri-Score », comme le précise le communiqué commun des différents ministères. Le ministère de l'Agriculture dévoile à Merci pour l'info qu'un groupe de travail interministériel (entre les ministères concernés) sera bientôt lancé, qui aura pour but de veiller à ce que « les produits du terroir ne soient pas si mal notés ».