Chargé de faire respecter la loi, le maire de Béziers (Hérault) risque une condamnation pénale pour avoir refusé de célébrer un mariage. Après avoir fait connaître, auprès du parquet de Montpellier, son refus de se soumettre à une procédure de plaider-coupable (procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, CRPC), qui lui aurait évité un procès mais pas une condamnation, Robert Ménard a annoncé mardi 18 février qu’il allait « se retrouver devant le tribunal correctionnel ».
L’élu avait, en 2023, refusé de célébrer le mariage d’un homme de nationalité algérienne résidant en France de manière irrégulière et une Française, en expliquant qu’il n’allait « pas marier quelqu’un qui a l’obligation de quitter le territoire [OQTF] », rapporte l’Agence France-Presse (AFP).
« La liberté du mariage » est protégée par le Constitution
En dépit de son assurance, le maire, élu pour la première fois en 2014 avec le soutien du Front national (FN, devenu Rassemblement national, RN, en 2018) ne respecte pas la loi.
Le mariage relève d’une « liberté fondamentale. On ne peut pas refuser à un individu en raison de sa situation administrative la possibilité d’exercer ce droit à se marier », a indiqué mardi à France Info Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble Alpes.
Dans une décision du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel a décrit « la liberté du mariage » comme « une des composantes de la liberté individuelle » que protège la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.
L’article 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dite Convention européenne des droits de l’homme, fixe « le droit de se marier et de fonder une famille, selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit ».
Robert Ménard peut être condamné sur le fondement de l’article 432-1 du Code pénal. Selon ce texte, « une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions », qui prend « des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi », est passible de « cinq ans d’emprisonnement » et de « 75 000 € d’amende ».
Une proposition de loi soutenue par le gouvernement contraire à la Constitution
Le gouvernement soutient une proposition de loi sénatoriale, qui doit être examinée le 20 février en séance publique, contraire à la liberté du mariage. Voici ce que prévoit l’article unique de ce texte : « Le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national. »
La commission des Lois de la Haute Assemblée n’a pas adopté ce document. Elle « a considéré que le texte – dont elle partage les objectifs – contrevient, en l’état, à une jurisprudence constitutionnelle réitérée depuis plus de trente ans qui ne permet pas, sans qu’une marge d’interprétation ne soit autorisée, de conditionner la célébration d’un mariage à la régularité du séjour en France des futurs époux », rapporte le site du Sénat.
Le 12 février, le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, avait annoncé la volonté du gouvernement de soutenir cette proposition portée par le sénateur centriste Stéphane Demilly. « Nous donnerons, sous l’autorité de Monsieur le Premier ministre, un avis favorable à ce texte », avait dit le ministre de la Justice lors de la séance des questions au gouvernement au Palais du Luxembourg. « Le débat doit avoir lieu, et je suis sûr que votre assemblée trouvera les moyens de rendre ce texte conforme à la Constitution », avait ajouté Gérald Darmanin.
Si elle venait à être adoptée en l’état, la proposition de loi pourra être censurée par le Conseil constitutionnel.
Le droit pour le maire de saisir le parquet
L’article 175-2 du Code civil permet à un maire ayant des soupçons quant à la validité d’un projet d’union de saisir le parquet :« Lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer […] que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé […], l’officier de l’état civil saisit sans délai le procureur de la République. »
À Béziers, Robert Ménard avait saisi le parquet, qui avait « estimé que le mariage n’était pas frauduleux », rappelle Serge Slama. En l’absence d’opposition du ministère public, le mariage doit être célébré.