Les syndicats et la gauche formulent cet espoir : le gouvernement de François Bayrou, qui a succédé le 13 décembre à Michel Barnier, va accepter de revenir sur le report progressif de l’âge légal ou minimal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, entré en vigueur en septembre 2023.
À l’issue d’un entretien à Matignon, la secrétaire générale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) a assuré mardi que le Premier ministre n’a « aucun tabou » sur le thème des retraites, « y compris sur l’âge légal », a rapporté Marylise Léon, citée par l’AFP. Le syndicat estime que « le sujet » de l’âge minimal de départ « doit être rouvert avec tout ce qui peut être possible et imaginable en matière de financement », a ajouté Marylise Léon.
Le Premier ministre « est-il pour des bougés esthétiques ou réels ? », s’interrogeait la veille auprès de Merci pour l’info Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la Confédération générale du travail (CGT). Le dirigeant syndical, qui devait rencontrer mercredi à 19 heures le Premier ministre au sein d’une délégation menée par la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, se montrait pessimiste.
« Nous entendons une petite musique : confier des négociations aux partenaires sociaux. La CGT est évidemment pour que les partenaires sociaux négocient. Mais cette méthode n’a pas de sens si elle vise à piéger les syndicats et qu’elle se fait dans un cadre financier restreint, avec une moitié de table [les représentants patronaux] pour le passage aux 64 ans », expliquait Denis Gravouil.
« Reprendre sans la suspendre » la réforme des retraites
Devant les responsables des principaux partis politiques, François Bayrou avait dit, le 19 décembre, vouloir « reprendre sans suspendre » la réforme des retraites, inscrite dans la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023. Le Premier ministre comptait « laisser neuf mois aux partenaires sociaux et aux partis pour proposer une nouvelle réforme », avait précisé son entourage à l’Agence France-Presse (AFP).
« La grande concertation évoquée par François Bayrou ressemble beaucoup à celle que souhaitait faire Michel Barnier, qui voulait jouer sur la pénibilité et les droits des femmes, soit les droits familiaux et conjugaux, à budget constant », remarquait Denis Gravouil.
L’ancien chef du gouvernement avait, dans sa déclaration de politique générale le 1er octobre, proposé « aux partenaires sociaux de réfléchir à des aménagements raisonnables et justes de la loi ». Dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, il avait évoqué les sujets « des retraites progressives, de l’usure professionnelle, de l’égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite ».
Le ministre de l’Économie favorable à un « dialogue fécond avec les partis de gauche »
Nommé le 23 décembre, aux fonctions de ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Éric Lombard va-t-il peser en faveur d’un recul satisfaisant pour une partie de la gauche et des syndicats ?
Le président du groupe Socialiste, écologiste et républicain au Sénat, Patrick Kanner, a salué l’ouverture marquée par Éric Lombard, au cours d’un entretien avec des responsables du Parti socialiste (PS) à Bercy. « Il y a eu une proposition de modification, d’évolution de la réforme de la retraite », a souligné Patrick Kanner, cité par l’AFP.
« On n’a pas dit qu’on n’y touchait pas [à l’âge légal de 64 ans] », avait indiqué Éric Lombard au micro de France Inter le même jour. « Je pense, alors que la semaine commence, qu’il y a plus de perspectives d’un dialogue fécond, je dirais, avec les partis de gauche, qu’avec le Rassemblement national », avait souligné le ministre de l’Économie.
Le PS demande des « concessions remarquables »
François Bayrou et ses soutiens peuvent gagner à faire des « concessions remarquables » sur l’âge légal, pour reprendre des termes employés lundi par Olivier Faure, rapportés par l’AFP. Le Premier ministre est susceptible d’obtenir un double bénéfice politique : éviter ou repousser la perspective d’une censure dont le menace le premier secrétaire du PS et fracturer un peu plus le Nouveau Front populaire.
Les députés de l’alliance de gauche arrivée en tête des élections législatives anticipées de 2024, et de l’extrême droite avaient voté la motion de censure qui a renversé le gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre. Au contraire des socialistes, La France insoumise (LFI) se refuse à transiger sur les retraites, espérant la chute de la nouvelle équipe et la démission du président de la République, Emmanuel Macron.
Creusement du « déficit du système de retraite »
Mais, s’il venait à faire des compromis, le gouvernement risque de dévier de sa ligne revendiquée de sérieux budgétaire. Sur la foi de la dégradation de « la situation conjoncturelle », le président du Conseil d’orientation des retraites (COR), l’économiste Gilbert Cette, s’est inquiété d’un creusement à venir du « déficit du système de retraite, sauf bien sûr nouvelles mesures législatives ou réglementaires », dans un entretien publié lundi par Les Échos.
Le Premier ministre pourra préciser ses vues au cours de sa déclaration de politique générale, le 14 janvier à l’Assemblée nationale.