Forcé par la pandémie de Covid-19, le télétravail a été une découverte pour un grand nombre d'entre nous. Puisqu'il s'installe dans nos habitudes, il est temps de mieux l'appréhender en commençant par connaître nos droits, mais aussi en profitant des conseils des meilleurs experts pour vivre mieux en travaillant à la maison. Une démarche doit commencer avec l'énoncé des dix commandements du télétravailleur.
Aménager un espace de travail dédié
Même s’il s’agit de la table du salon, prévoyez une assise confortable, avec un vrai siège et un dossier. Le canapé avec l’ordinateur posé sur les genoux est à prohiber. « Au-delà de l’aspect ergonomique, disposer d’un espace dédié est aussi symbolique : s’assoir au bureau indique que vous passez en mode travail », explique Jeanine Roncati, coach, consultante en accompagnement du changement et co-auteure du Télétravail pour les Nuls, First, mars 2020.
Adopter une bonne posture
Chez soi, le risque de TMS (troubles musculo-squelettiques) induit par une mauvaise position est réel. « Vos yeux doivent être à hauteur d’écran, les coudes posés à côté du clavier formant un angle droit avec le bureau et, idéalement, la source de lumière est perpendiculaire à votre moniteur », détaille la spécialiste.
Apprendre à gérer son temps
« Il convient de respecter les horaires du bureau afin de ne pas être décalé avec les autres ou de prendre du retard – au risque de devoir travailler tard le soir pour rattraper –, et d’organiser votre travail en séquences selon leur niveau de difficulté », conseille Jeanine Roncati. L’erreur classique ? Consacrer ses deux jours de télétravail à une tâche unique et répétitive… lassitude garantie ! Enfin, refusez la culpabilité (tout le monde a des jours « avec » et des jours « sans »), et accordez-vous une certaine flexibilité. S’il y a bien un avantage qu’offre le télétravail, c’est la souplesse. Ce serait dommage de ne pas en profiter.
“Octroyez-vous chaque jour un petit moment plaisir”
L'avis d'Emilie Doré, docteure en sociologie, formatrice auprès de doctorants et fondatrice du site reussirsathese.com.
Les deux grands pièges qui guettent le chercheur sont la capacité à se concentrer et la perte de motivation sur le long terme. La confusion entre vie privée et vie pro est un autre danger, car vos travaux de recherche s’immiscent dans vos têtes et dans vos vies… Conséquence, on ne profite plus de sa maison comme avant et, quand on fait autre chose, on culpabilise de ne pas être devant son écran. Pour y pallier, il faut à tout prix maintenir une régularité, s’assoir devant son ordinateur deux heures chaque jour, que l’on soit productif ou non, fatigué ou pas… Il est nécessaire d’accepter des baisses de régime ponctuelles (quand on réalise un travail intellectuel, on ne peut pas être « à fond » tout le temps), d’alterner les tâches (certaines sont plus mécaniques que d’autres…), de segmenter son travail et d’éviter les parasites comme les alertes (messagerie, réseaux sociaux… une perte de productivité d’environ 50 %). Fixez-vous des créneaux dans la journée durant lesquels vous consultez vos e-mails. Enfin, octroyez-vous chaque jour un « petit moment plaisir » pour maintenir votre énergie et votre motivation dans la durée.
Refuser la confusion des sphères
Quand on travaille à domicile, a fortiori dans un espace réduit et partagé, il faut veiller à cloisonner vie privée et vie professionnelle. Les règles doivent être claires pour tous, avec des plages horaires consacrées au travail. Petite astuce : accrocher une cravate ou un foulard sur la poignée de votre porte permet de rappeler aux autres que vous travaillez et ne devez pas être dérangé.
Se protéger du stress numérique
Le burn out du télétravailleur n’est pas un mythe ! Chez soi, face à son écran, le temps file. Si l’on n’y prend pas garde, on risque l’épuisement. « Enchaîner les tâches est très fatigant pour le cerveau. S’accorder des pauses est donc indispensable : 10 minutes sans écran toutes les deux heures, et 20 secondes de détente visuelle – les yeux détachés de l’ordi – toutes les 20 minutes », recommande Jeanine Roncati.
Eviter de s'isoler
Selon sa situation familiale (seul, en couple, avec ou sans enfants à la maison…), mais aussi sa personnalité (extravertie ou non), on présente des risques de se couper des autres. Un isolement qui peut conduire certaines personnes fragiles à la dépression. « Les entreprises devraient limiter le télétravail à deux ou trois jours par semaine, et toujours le proposer sur la base du volontariat », selon Jeanine Roncati.
Pratiquer une activité physique régulière
La position prolongée statique face à l’écran est non seulement mauvaise pour la santé physique, mais aussi pour le moral. « Pour ne pas s’user au télétravail, bouger est essentiel. Pourquoi ne pas profiter d’être chez soi pour caler une séance de sport à la pause déjeuner ou en fin d’après-midi ? », suggère la co-auteure du Télétravail pour les Nuls.
Rassurer son supérieur
Si celui-ci est peu habitué à manager à distance et/ou s’il est anxieux, il peut avoir du mal à faire confiance et vouloir tout contrôler à l’excès. Certains patrons sont clairement hostiles au télétravail (« Dans télétravail, il y a le mot ‘télé’ ! » a dit un jour l’un d’entre eux), ce qui ne contribue pas à rassurer les managers maniaques du contrôle. Pour ne pas susciter de défiance, mettez en place un modus vivendi avec votre chef : des objectifs précis, des points téléphoniques réguliers, un compte-rendu hebdomadaire… N’hésitez pas à lui dire ce qui fonctionne ou pas (« Pourquoi me donnez-vous quatre dossiers à traiter au lieu de deux, les jours où je télétravaille ? »).
“En télétravail, il faut communiquer d'avantage”
L'avis de Jean Pralong, psychologue, professeur et chercheur en ressources humaines à l'EM Normandie.
Au bureau, il existe une communication informelle que l’on perd lorsqu’on télétravaille : assez naturellement, les infos circulent et viennent à vous. Quand on est loin, il faut se contenter d’une communication plus formelle, donc plus pauvre. Cela demande au télétravailleur de décrypter des micro-signaux afin de comprendre une situation à partir d’un faisceau d’indices. Selon la personnalité de chacun, c’est plus ou moins simple : certains sont empathiques et connectés à autrui, d’autres moins. L’autre compétence clé du télétravailleur est la capacité à promouvoir ce qu’il fait auprès de ses collègues et de ses supérieurs. À défaut, personne ne pourra dire si vous avez passé une heure ou une nuit sur un dossier, eu tel ou tel problème… « Bien faire son travail » seul dans son coin ne suffit pas, il faut communiquer davantage.
Echanger avec ses collègues
Ne pas être au bureau tous les jours vous oblige à redoubler d’attention envers les autres quand vous êtes sur place. Allez vers vos collègues, échangez, posez des questions… Bref, intéressez-vous ! Privilégiez les échanges en face à face plutôt que les communications de type e-mails, qui privent du contact physique.
Suivre un précepte : « connais-toi toi-même »
Au fil du temps, vous apprendrez à mieux cerner le télétravailleur qui est en vous. « En tant que télétravailleur, on pense différemment : ce n’est plus le temps de travail qui compte, mais la qualité du travail fourni. » Avec, à la clé, une satisfaction personnelle et de nouvelles compétences comme l’autonomie et la responsabilisation.