Ce mardi 29 avril, les utilisateurs de Telegram ont reçu, sur leur messagerie cryptée, un message de l’application elle-même. Très long, celui-ci dénonce le fait que la France souhaitait lui imposer de supprimer le chiffrement des messages. Pour rappel, le chiffrement est un système grâce auquel seuls les participants d’une conversation peuvent lire les messages.
Ces derniers sont convertis en une suite illisible de caractères, que seule une clé unique, qui est détenue par l’expéditeur et le destinataire, peut lire. Les États, fournisseurs d’accès et même les messageries elles-mêmes n’y ont pas accès. Ce dernier cas est appelé le chiffrement de bout en bout, qui n’est toutefois utilisé par Telegram que dans les cas des « conversations secrètes ».
C’est justement la protection des messages qui est au cœur de la colère de Telegram à l’égard de la France, dans le cadre de la loi visant à lutter contre le trafic de drogue (intitulée très exactement loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic). Elle avait été déposée au Parlement en juillet 2024, et a été définitivement adoptée le 29 avril 2025.

Ce que Telegram reprochait à la loi
Initialement, la loi contre le narcotrafic souhaitait obliger les applications de messageries à donner accès aux forces de l’ordre aux messages des utilisateurs. Actuellement, les applications permettent, sur décision de justice, d’autoriser l’accès aux adresses IP et numéros de téléphone des utilisateurs, mais refuse d’autoriser l’accès aux messages. Réclamées notamment par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, ces portes dérobées (ou backdoors) permettraient aux services de police d’avoir accès à une conversation sans se faire remarquer (c’est le principe de « l’utilisateur fantôme »). Objectif de cette mesure : permettre aux forces de police d’identifier les criminels et leurs réseaux en s’infiltrant dans leurs conversations.
Une demande qui a d’ailleurs été réitérée le 18 avril dernier par le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, sur le plateau de BFMTV-RMC. Mais, comme on peut le lire dans le message envoyé par Telegram, ouvrir une telle porte ne permet pas de garantir que seule la police ait accès aux messages, et que cette porte pourrait également s’ouvrir aux cybercriminels. « C’est techniquement impossible de garantir un accès via une porte dérobée uniquement à la police. Une fois implémentée, une porte dérobée peut être exploitée par d’autres acteurs comme des agents étrangers ou des hackers. En conséquence, les messages privés de tous les citoyens respectueux de la loi risquent d’être compromis », peut-on y lire.
« Nous préférons quitter un pays plutôt que de compromettre la sécurité de nos utilisateurs en installant des portes dérobées. Nous ne troquons pas la vie privée contre des parts de marché », peut-on également voir dans le message envoyé par l’application. Si Telegram n’a pas encore quitté la France, les députés ayant renoncé à la mise en place de ces fameuses portes dérobées, « la bataille est loin d’être terminée », prévient Telegram. Il déplore que la Commission européenne souhaite également s’attaquer au chiffrement.
Les inquiétudes que soulève Telegram
Pourtant, Davel Durov, le patron de Telegram, a eu des démêlés avec la justice en France. À l’été 2024, il est arrêté pour plusieurs chefs d’accusation, le principal étant le manque de coopération de l’application vis-à-vis des sollicitations de la police et de la justice. C’est ce laxisme qui a amené la messagerie à obtenir une réputation d’être l’application favorite des criminels.
Telegram a depuis progressivement coopéré avec les autorités, avec la fourniture des adresses IP et des numéros de téléphone de suspects d’activités criminelles, sur décision de justice, comme vu plus haut. Un scan des images a été mis en place, et la fonctionnalité « Personnes à proximité », détournée, a été supprimée. Malgré ces avancées en matière de coopération, le récent message de Telegram laisse plutôt à penser que cette coopération n’ira pas plus loin.