Le débat est relancé. L’alliance des partis et organisations de gauche, réunis sous la bannière Nouveau Front populaire, a dévoilé son programme pour les législatives à venir, ce vendredi 14 juin. Au cours de cette conférence de presse, la gauche a indiqué vouloir rehausser le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) à 1 600 € nets, soit 200 € de plus que le Smic actuel.
Une idée à laquelle, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, s’est farouchement opposé. Lors d’une interview accordée à France Inter dimanche 16 juin, l’actuel locataire de Bercy, a déclaré que cette solution « serait une catastrophe », menant la France « tout droit vers un chômage de masse comme on n’en a pas connu depuis 40 ans », a assené le ministre. Un débat régulièrement remis sur le devant de la scène depuis plusieurs années. Explications.
Un débat de longue haleine
Les conséquences d’une augmentation du Smic (hors indexation sur l’inflation) sur le marché du travail sont débattues depuis plusieurs années déjà. L’idée de revoir à la hausse le salaire minimum a surgi plusieurs fois lors des campagnes présidentielles. En 2017, Jean-Luc Mélenchon, alors candidat du Parti de Gauche avait proposé d’augmenter le Smic de 200 € pour le porter, à l’époque, à 1 326 € nets par mois.
Tête d’affiche de la France Insoumise 5 ans plus tard, il avait réitéré la proposition. Et la gauche n’est pas la seule à avoir lancé l’idée. En 2018, plusieurs cadres des Républicains avaient évoqué la possibilité de relever le Smic de 20 %. Une proposition à laquelle Bruno Le Maire s’était déjà opposé, déclarant qu’elle était « une machine à détruire des emplois, à smicardiser la société ».
500 000 emplois détruits ?
Comment la hausse du Smic pourrait-elle impacter le marché du travail ? « En augmentant le coût du travail », nous répond Bertrand Martinot, expert associé des politiques de l’emploi auprès de l’Institut Montaigne. Si « vous passez le Smic de 1 400 à 1 600 € vous aurez une augmentation du coût du travail de 14 % au niveau du Smic, ce qui pourrait faire perdre leurs marges et donc leur rentabilité aux entreprises », précise l’expert. Cette charge économique devrait peser plus particulièrement sur les TPE et PME comme l’évoquait Bruno Le Maire, mais « elle pourrait aussi impacter les entreprises de services comme les entreprises de nettoyage qui emploient massivement des personnes au Smic », atteste Bertrand Martinot. Entre 350 000 et 400 000 emplois pourraient être concernés selon les calculs de l’économiste sur les bases des modèles de prévision utilisés par la Banque de France ou le Trésor.
Autre conséquence : la hausse du Smic, selon l’expert, aurait aussi un effet sur les travailleurs et leur rémunération. Un Smic trop élevé pourrait ainsi « écraser la distribution des salaires », explique le spécialiste. En d’autres termes, rehausser le salaire minimum signifie « augmenter le nombre de salariés au Smic car les salaires au-dessus de ce seuil n’augmenteront pas », estime l’économiste. La France pourrait ainsi passer de 17 % de salariés au Smic à un taux compris entre 25 et 30 %. « Vous allez donc smicardiser les salariés », assène enfin Bertrand Martinot.
Faire repartir la consommation ?
Si Bertrand Martinot estime que la hausse du Smic pourrait être préjudiciable pour l’économie française, d’autres sons de cloche résonnent ailleurs. Dans le dernier rapport du groupe d’experts sur le Smic, publié fin 2023, plusieurs syndicats estiment que la hausse mécanique du Smic, en dehors de l’augmentation automatique au-delà de 2 % d’inflation, permettrait de redonner du pouvoir d’achat aux bas salaires. Contactée par Merci pour l’info, Agathe Le Berder, secrétaire générale adjointe de la CGT Ugict (Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens), estime « qu’augmenter le Smic et l’ensemble des salaires en les indexant sur la hausse des prix permettrait de relancer la consommation, qui représente la moitié du PIB. »