Des ex-conjoints qui ont divorcé par consentement mutuel peuvent se retrouver à nouveau mariés, en application d’une décision de justice. Le tribunal judiciaire de Versailles a annulé, dans un jugement du 30 avril, une convention de divorce par consentement mutuel, signée en octobre 2018.
L’ex-épouse réclamait le prononcé de « la nullité » de ce contrat, selon la décision révélée par Le Figaro et que Merci pour l’info s’est également procurée. Elle assurait n’avoir « jamais rencontré son avocat[e] ni reçu aucun conseil de sa part », ajoutant que la personne censée la conseiller « n’était pas présente en visioconférence lors de la signature de la convention ». De surcroît, elle indiquait qu’« étant de nationalité étrangère, elle maîtrise mal le français et qu’en outre, elle était dans un état de détresse psychologique et financière en raison du divorce la laissant démunie, sans revenu [d’]activité, avec deux enfants en bas âge et sans aucune famille » dans le pays. La convention ne mentionnait pas l’obligation de versement d’une prestation compensatoire par l’ex-conjoint, malgré les écarts de niveau de ressources.
« Notre cliente n’a pas pu comprendre ce qu’elle signait », expliquent jeudi 30 mai à Merci pour l’info les avocats Capucine Bohuon et Nicolas Graftieaux, associés du cabinet Canopy, qui avaient demandé l’annulation. Le tribunal de Versailles a prononcé l’annulation car l’ex-épouse « n’avait pas adhéré à ce contrat de manière éclairée par son avocate, qui n’avait pas rempli son obligation de conseil », analysent nos interlocuteurs.
Quelles sont les conséquences de ce jugement ?
Si l’homme fait appel, en l’absence d’exécution provisoire de la décision, le jugement ne peut produire effet.
Les répercussions sont plus nombreuses et interviendront de manière plus rapide en l’absence de contestation.
1) Une fois écoulé le délai d’appel, qui atteint un mois à compter de la signification du jugement, les époux seront de nouveau mariés.
2) Depuis le prononcé du divorce, l’ex-conjointe ne s’était pas remariée et n’avait pas conclu de pacte civil de solidarité (pacs). L’homme, lui, s’était pacsé. Son pacs va être automatiquement annulé.
3) Les avocats demanderont la liquidation du régime matrimonial. « Il n’y avait pas eu de liquidation, car le conjoint avait caché les comptes bancaires, le plan épargne entreprise et les assurances-vie dont il disposait. Dès lors que le régime matrimonial sera liquidé, notre cliente aura droit à la moitié de la communauté, à la valeur actuelle des avoirs. »
4) Devant la dissimulation de biens communs, les deux juristes vont également demander la qualification de recel de la communauté. Tous les biens dont l’ex-conjointe n’avait pas connaissance pourront lui être attribués, sur le fondement de l’article 1477 du Code civil.
5) Enfin, les avocats vont demander le versement d’une prestation compensatoire au bénéfice de leur cliente.
Une première historique
Par essence spécifique à un cas, cette affaire ne peut être transposée directement à d’autres hypothèses où une personne divorcée par consentement mutuel s’estime lésée par les conditions de la rupture et de la convention.
Elle constitue cependant une première historique : depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, du divorce par consentement mutuel sans jugement, instauré par une loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, jamais une annulation n’avait été décidée, d’après les recherches de Mes Bohuon et Graftieaux.
Extraits du Code civil
Sur le divorce par consentement mutuel
« Lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats » (article 229, alinéa 1er).
Sur la prestation compensatoire
« Le divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge » (article 270, alinéas 1er et 2).
Sur le recel de communauté
« Celui des époux qui aurait détourné ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets » (article 1477, alinéa 1er).