Si les sentiments ne connaissent pas de frontières, les lois, elles, demeurent très nationales, même à l’heure de l’Union européenne et des conventions internationales. Bien avant de vous marier avec une personne d’une autre nationalité, il convient de poser les bonnes questions à un notaire ou un avocat.
Sous quel régime se marier ? Quelles lois régiront l’autorité parentale, vos biens personnels et communs ? Que se passera-t-il en cas de divorce ? Comment organiser au mieux votre succession ? Car, c’est bien sûr en cas de problème – séparation, décès… – que les difficultés surgissent. Il est donc important d’anticiper.
Faire valider son mariage en France
Si vous convolez en justes noces à l’étranger, vous devrez, pour que votre union soit reconnue en France, la faire retranscrire sur place auprès du consulat ou de l’ambassade de France. Bien entendu, chacun doit remplir pour cela toutes les conditions exigées par la loi française : être âgé d’au moins 18 ans et ne pas être déjà marié ou pacsé.
Il faut aussi – tant que la loi sur le mariage pour tous n’est pas adoptée – que votre futur époux ou épouse soit de sexe opposé. Pour faire valider en France un mariage contracté, par exemple aux Pays-Bas, entre deux hommes ou entre deux femmes, il faudra donc attendre. En revanche, vous pouvez très bien vous marier même si votre futur conjoint n’a pas encore régularisé ses papiers pour vivre en France.
En ce qui concerne les droits et devoirs respectifs des époux – respect, fidélité, assistance, secours, mais aussi contribution aux charges du foyer et à l’éducation des enfants, comme le prévoit notre Code civil –, ils obéissent aux règles de droit du pays où vous avez votre domicile commun. Peu importe l’État où vous avez officialisé initialement votre union.
Un contrat de mariage pour plus de sûreté
Le régime matrimonial couvrira la gestion quotidienne de votre patrimoine, mais aussi sa liquidation en cas de divorce ou de décès de l’un des époux. Un sujet important, surtout si l’un ou l’autre a déjà accumulé quelques biens.
En l’absence de contrat de mariage, vous serez soumis au régime légal du pays dans lequel vous avez établi votre première résidence après votre mariage, comme le prévoit la convention de La Haye du 14 mars 1978. En France, c’est la communauté réduite aux acquêts qui s’applique. Ainsi, les biens que chacun possède avant le mariage et ceux reçus par donation ou succession pendant le mariage reste sa propriété personnelle.
En revanche, les biens acquis par chacun pendant le mariage, ainsi que tous les revenus du couple sont communs.
Le même type de régime s’appliquera en Italie, au Luxembourg ou au Portugal. Mais si vous vivez en Autriche, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, au Maroc, en Tunisie ou en Turquie, c’est le régime de la séparation des biens qui s’impose. Quelle que soit la date ou le mode d’acquisition des biens (avant ou après le mariage, par achat, donation ou succession), chaque époux en reste propriétaire. Quant à ceux acquis en indivision, ils sont la propriété de chacun, au prorata de son apport.
Gare à l'insécurité juridique !
Attention, si vous changez de lieu de résidence au cours de votre union, vous pouvez, sans le savoir, changer de régime matrimonial, sous réserve d’habiter dans un pays pendant au moins dix ans. Une particularité qui pousse Éric Lamothe, notaire à Bergerac (Dordogne), à émettre une recommandation :
Pour éviter toute insécurité juridique, vous avez intérêt à faire établir un contrat de mariage. C’est vrai pour tous les couples, mais plus encore pour ceux ayant des nationalités différentes et donc susceptibles d’habiter dans des pays différents. »
Il est prudent de penser à cette démarche avant de passer devant le maire, même si vous pouvez changer de régime en cours d’union.
Enfants : quelle nationalité ?
Quand l’un des deux époux est français, les enfants nés de ce mariage acquièrent automatiquement la nationalité française, quel que soit l’endroit où ils naissent. C’est ce qu’on appelle le droit du sang.
Mais ils peuvent aussi ajouter la nationalité de l’autre parent si son pays d’origine l’autorise et si des conventions ont été passées avec l’État français. Certains pays, en effet, refusent la double nationalité sauf situations particulières (Autriche, Norvège…). Dans tous les cas, renseignez-vous auprès de la représentation consulaire du pays en question.
Si votre enfant voit le jour sur le territoire français, n’oubliez pas de faire enregistrer sa naissance auprès des autorités consulaires du pays de votre conjoint. Si votre enfant naît à l’étranger, faites cette même démarche auprès des autorités consulaires françaises.
Et rappelez-vous que si une double nationalité confère à vos enfants des droits (travailler ou voter dans le pays, par exemple), elle est aussi source de devoirs (le service militaire, quand il est obligatoire) dans les pays concernés.
Attention : dans certains pays, seule la filiation paternelle est reconnue, la mère ne pouvant transmettre sa nationalité.
Concernant l’autorité parentale, c’est la loi du pays de résidence qui s’applique. En France, les conjoints la partagent à égalité (c’est la règle de l’autorité parentale conjointe). Mais si le couple s’installe dans un autre pays, c’est le code de la famille de ce pays qui s’applique. Si ce dernier ne reconnaît que la tutelle paternelle, la mère se voit légalement privée de son droit de prendre certaines décisions concernant les enfants du couple.
Divorcer dans le pays le plus généreux
En Europe, un règlement permet aux couples binationaux de choisir, dans leur contrat de mariage, avant tout conflit, le droit national qui s’appliquera en cas de rupture. Sinon, vous pouvez vous adresser aux autorités compétentes pour divorcer, là où votre couple réside, mais aussi au juge du pays de votre nationalité ou du nouvel endroit où vous avez posé vos valises. En la matière, une certaine vigilance s'impose, comme l'indique Sabine Haddad, avocate à Vincennes (Val-de-Marne).
En cas de désaccord des époux sur ce choix, c’est l’avis de la première juridiction saisie qui fait loi. Vous avez donc intérêt à agir très vite si vous pensez notamment que les règles d’un pays sont plus favorables à vos intérêts. »
Pour faire transcrire une décision de divorce rendue à l’étranger dans l’état civil français, il faut demander au procureur de la République (au tribunal de grande instance du lieu du mariage en France ou à celui de Nantes si la cérémonie a eu lieu à l’étranger) de vérifier sa validité en France.
Là encore, pour les divorces européens, un règlement allège la procédure puisqu’on peut s’adresser à l’officier d’état civil du lieu où le mariage a eu lieu, avec une décision de divorce authentifiée et traduite en français.
Après une séparation, les problèmes de droit de visite auprès des enfants, quand les domiciles des parents sont éloignés, ou de pensions alimentaires impayées peuvent devenir plus compliqués en cas de divorce international.
Pour aider les parents, la France a signé des conventions avec de nombreux pays. Elle a aussi mis en place une mission d’aide à la médiation internationale pour les familles. Celle-ci est compétente en cas de litige portant sur l’exercice de l’autorité parentale, la résidence de l’enfant ou l’exercice effectif d’un droit de visite et d’hébergement transfrontière.
Par ailleurs, un bureau du recouvrement des créances alimentaires (RCA) peut vous orienter pour récupérer l’argent dû à l’étranger.
Rédiger un testament international
En matière de succession, les biens meubles (placements, bijoux, œuvres d’art…) sont régis par la loi du pays où le défunt avait sa dernière résidence. En revanche, les immeubles sont régis par la loi du pays où ils se situent. À compter du 17 août 2015, tout ressortissant d’un État de l’Union européenne qui possède un patrimoine transfrontalier pourra, par déclaration notariée, fixer la loi successorale qui régira tous ses biens.
Dans l’immédiat, rien n’empêche de demander à son notaire de faire ce choix. Mais il ne sera effectif que si le décès survient après le 17 août 2015. Par ailleurs, pour ceux possédant des biens dans divers pays, il peut être prudent de rédiger un testament international auprès d’un homme de loi.