Le Rassemblement national (RN), arrivé en tête du scrutin européen dimanche 9 juin avec 31,4 % des suffrages, est donné favori des élections législatives organisées les 30 juin et 7 juillet, après la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le chef de l’État, Emmanuel Macron, et inscrite dans un décret paru lundi au Journal officiel.
Candidate au nom du Front national (FN) puis du RN lors des élections présidentielles de 2012, de 2017 et de 2022, Marine Le Pen souhaite que Jordan Bardella, qui menait la liste du parti d’extrême droite aux européennes, soit nommé Premier ministre en cas de succès de la formation aux législatives.
Quelles mesures prendrait le RN après avoir obtenu la majorité ? Le Rassemblement national n’a pas publié de programme en vue des élections générales. Mais il a formulé des propositions dans ses précédents programmes et au cours d’interventions dans les médias.
La priorité nationale, pour discriminer les personnes de nationalité étrangère
Dans son programme en vue de l’élection présidentielle de 2022, Marine Le Pen promettait la mise en place d’une mesure discriminatoire : « la priorité nationale d’accès au logement social et à l’emploi ». La candidate du RN mentionnait la réservation des « aides sociales aux Français » et, pour les personnes de nationalité étrangère, l’obligation d’accomplissement de « cinq années de travail » dans le pays. Le programme du RN en vue des européennes indiquait : « Autoriser la priorité nationale dans les marchés publics pour défendre nos emplois et l’environnement, de même que la préférence communautaire avec un accord-cadre ‘‘Acheter français ou européen’’. »
La « priorité nationale » est l’un des fondamentaux du parti d’extrême droite, qui affirme que l’immigration est à l’origine du chômage et de l’insécurité. Jean-Marie Le Pen, père de Marine Le Pen et ancien président du Front national (FN), renommé Rassemblement national en 2018, prônait la « préférence nationale ». Le changement de dénomination n’annule pas la contrariété de la mesure avec la Constitution et avec la Convention européenne des droits de l’homme.
En 2022, Marine Le Pen estimait « indispensable de modifier la Constitution pour y intégrer des dispositions portant sur le statut des étrangers et la nationalité et pour faire prévaloir le droit national sur le droit international ». Elle souhaitait organiser « un référendum », en se fondant sur l’article 11 de la loi fondamentale. Ce texte ne permet pas, en fait, le recours au référendum pour une révision constitutionnelle.
L’article 11 de la Constitution ouvre la faculté de soumettre un projet de loi au référendum au seul « président de la République, sur proposition du gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées ». Dans l’hypothèse d’une nomination de Jordan Bardella, Emmanuel Macron, qui n’a pas annoncé vouloir quitter la présidence en cas de défaite de son camp aux législatives, ne sera pas tenu de suivre une proposition gouvernementale visant à une révision constitutionnelle.
Un coup d’arrêt à l’immigration
En 2022, Marine Le Pen proposait la fin de « l’immigration de peuplement » ainsi que du « regroupement familial ». Elle s’engageait au traitement des « demandes d’asile uniquement à l’étranger ». Les sans-papiers mais également les « délinquants et criminels étrangers » devaient faire l’objet d’une expulsion systématique.
Le programme du RN aux élections européennes prévoyait l’organisation d’« un référendum en France pour réaffirmer la primauté de la Constitution française sur les décisions des juges européens en matière d’immigration ». Il envisageait également une réaffirmation de « la supériorité » de la loi fondamentale « sur les normes et juridictions européennes ».
À l’heure actuelle, les normes internes (lois, Constitution, etc.) doivent être conformes aux engagements internationaux de la France, notamment au droit de l’Union européenne (UE) et à la Convention européenne des droits de l’homme, dont la Cour européenne des droits de l’homme contrôle le respect.
La privatisation de France Télévisions et de Radio France
Le RN est favorable à la privatisation de l’audiovisuel public, a confirmé lundi 10 juin le député du parti Sébastien Chenu, au micro de BFMTV. Une telle proposition figurait déjà dans le programme de Marine Le Pen en 2022. L’audiovisuel public inclut principalement Radio France et France Télévisions.
La mise en place d’une taxation des superprofits
La formation d'extrême droite réclame la mise en place d’une taxation des superprofits des grands groupes, a également confirmé Sébastien Chenu auprès de BFMTV.
Une exonération d’impôt sur le revenu pour les jeunes de moins de 30 ans
Promise par Marine Le Pen en 2022, toujours soutenue par Jordan Bardella, la création d’une exonération d’impôt sur le revenu pour les jeunes de moins de 30 ans s’oppose au principe de l’égalité devant la loi. Des dispositions instaurant une telle exonération sont susceptibles d’être censurées par le Conseil constitutionnel.
Une réforme des retraites
Marine Le Pen exprimait en 2022 son refus de « tout allongement de l’âge de départ à la retraite ». Elle souhaitait que les personnes ayant « commencé à travailler avant 20 ans pendant quarante annuités » puissent « prendre leur retraite à 60 ans ». La réforme des retraites de 2023 a repoussé progressivement de 62 à 64 ans l’âge légal ou minimal de départ. Une nouvelle majorité peut voter des dispositions pour contrecarrer sa mise en œuvre. Jordan Bardella a paru reculer concernant l’éventualité d’une abrogation, mercredi sur RTL puis sur France 2.
L’interdiction du port du voile islamique dans l’espace public
Marine Le Pen a, à plusieurs reprises, affiché sa volonté de voir interdit le port du voile islamique dans l’espace public, sans cependant l’inscrire dans son programme en 2022.
Une interdiction du voile dans l’espace public est contraire au principe de liberté de conscience, que protège la laïcité. Des dispositions législatives prohibant le port de ce signe religieux dans l’espace public sont susceptibles d’être censurées par le Conseil constitutionnel.
La création d’une présomption de légitime défense pour les policiers
Dans son programme de 2022, le RN proposait différentes mesures destinées, selon lui, à améliorer la sécurité, comme :
- l’instauration d’une présomption de légitime défense pour les gendarmes et les policiers ;
- la suppression des réductions et aménagements de peine.
Un « prix français de l’électricité »
Si le Rassemblement national n’est plus favorable à la sortie du marché européen de l’électricité, comme il l’était en 2022, il envisage la fixation d’un « prix français de l’électricité », qui doit permettre une baisse du montant des factures « de 30 à 40 % », est-il écrit dans son programme pour les élections européennes.
« Ainsi, nous retrouverons un prix de l’électricité compétitif car proche des coûts de production sur le sol national, tout en permettant à la France d’exporter son électricité à un prix attractif vers ses voisins européens », expliquait la formation.