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Législatives 2024 : Emmanuel Macron sera-t-il obligé de choisir un Premier ministre issu de la future majorité ?

Législatives 2024 : Emmanuel Macron sera-t-il obligé de choisir un Premier ministre issu de la future majorité ? © legna69 / Getty images

Publié le par Timour Aggiouri

Le Rassemblement national (RN) souhaite la nomination de Jordan Bardella aux fonctions de chef de gouvernement, dans l’hypothèse d’une victoire du parti d’extrême droite aux élections législatives du 30 juin et du 7 juillet.

Qui sera le successeur de Gabriel Attal à Matignon le mois prochain ? Les scores des sondages laissent entrevoir une défaite du camp présidentiel (Renaissance et ses alliés Mouvement démocrate, MoDem, et Horizons) aux élections législatives du 30 juin et du 7 juillet. S’il venait à disposer d’une majorité, le Rassemblement national (RN, extrême droite), donné en tête par les enquêtes d’opinion, qui n’ont cependant pas de caractère prédictif, exigera la nomination de Jordan Bardella aux fonctions de Premier ministre.

La nomination du chef du gouvernement est du ressort exclusif du président de la République, Emmanuel Macron, ainsi que le prévoit l’article 8 alinéa 1er de la Constitution. Le chef de l’État peut-il refuser de nommer au poste de Premier ministre Jordan Bardella ou une personnalité issue de la gauche, en cas de victoire du Nouveau Front populaire, composé de La France insoumise (LFI), du Parti socialiste (PS), du Parti communiste français (PCF) et des Écologistes ?

À l’orée des trois cohabitations qui eurent lieu entre 1986 et 1988, entre 1993 et 1995 et entre 1997 et 2002, les nominations de Premier ministre illustrent les contraintes pesant sur le chef de l’État.

En 1986, François Mitterrand se résolut à choisir Jacques Chirac

Le principal parti de droite, le Rassemblement pour la République (RPR), présidé par Jacques Chirac, et son allié, l’Union pour la démocratie française (UDF), disposaient de la majorité à l’Assemblée nationale après les élections législatives de 1986. Au début de la première cohabitation (1986-1988), François Mitterrand voulut nommer Jacques Chaban-Delmas, « vieil ami du chef de l’État » et « figure historique du mouvement gaulliste », écrit Franz-Olivier Giesbert. Mais Mitterrand savait qu’un tel choix ne ferait « pas l’unanimité à droite », indique le journaliste dans son ouvrage Jacques Chirac. Une vie (Flammarion, 2014).

Personnalité respectée par la gauche notamment pour avoir, en tant que ministre de la Santé, porté le texte qui a donné la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) du 17 janvier 1975, Simone Veil fut également pressentie comme possible cheffe du gouvernement. « Simone Veil a songé à devenir Premier ministre », tandis que « l’Élysée pensait aussi à elle », rapporta Le Monde le 24 juin 1986. Le journal évoquait en outre « des contacts indirects » entre le chef de l’État et son prédécesseur Valéry Giscard d’Estaing. Mitterrand se résolut finalement à nommer Chirac, qui comptait se présenter à l’élection présidentielle de 1988.

En 1993, Jacques Chirac laissa la place à son « ami de trente ans »

Défait par Mitterrand à ce scrutin, Chirac entendait postuler à nouveau à la magistrature suprême. Aux élections législatives de 1993, la droite battit largement la gauche, en pleine déroute. Pour éviter l’usure du pouvoir, Chirac souhaita la nomination au poste de Premier ministre d’un de ses proches, Édouard Balladur. « Depuis plusieurs mois, Jacques Chirac avait décidé de laisser Matignon à son ancien ministre de l’Économie et des finances », expliquait Les Échos le 30 mars 1993. Mitterrand se rangea à ce choix.

Craignant de voir Édouard Balladur tenter sa chance en 1995, Chirac trouva « cette formule qui, sous couvert de faire taire les rumeurs, ne vis[ait] qu’à se rassurer lui-même : ‘‘Des amis de trente ans.’’ », raconte le journaliste Guillaume Tabard dans l’ouvrage La Malédiction de la droite. 60 ans de rendez-vous manqués (Perrin, 2019). Cette cohabitation se dénoua par la victoire de Chirac à l’élection présidentielle de 1995.

En 1997, Jacques Chirac nomma Lionel Jospin

Après la victoire de la gauche plurielle aux élections législatives de 1997, Jacques Chirac nomma logiquement comme Premier ministre Lionel Jospin, qui avait été son adversaire au second tour de la présidentielle et qui menait cette coalition regroupant le PS, le PCF, Les Verts et le Mouvement des citoyens (MC), de Jean-Pierre Chevènement. La coexistence se conclut par la réélection de Chirac, en 2002.

Le nécessaire soutien du Premier ministre par l’Assemblée nationale…

« Le gouvernement étant responsable devant l’Assemblée nationale […], le président de la République a vocation à nommer à la tête de ce gouvernement une personnalité qui puisse avoir l’appui de la majorité à l’Assemblée nationale », explique le Conseil constitutionnel sur son site. L’institution fonde son analyse sur différents articles de la Constitution (articles 20 alinéa 3, 49 et 50).

L’article 20 alinéa 3 de la loi fondamentale prévoit que le gouvernement « est responsable devant le Parlement ».

Aux termes de l’article 49 alinéa 1er, « le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale ».

L’article 49 alinéa 2 permet à l’Assemblée de mettre en jeu « la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure ».

Le fameux article 49 alinéa 3 confère au Premier ministre le droit d’« engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale ». Cette procédure, qui nécessite une délibération préalable du Conseil des ministres, peut également être utilisée pour « un autre projet ou une proposition de loi par session ».

Dans l’hypothèse où une majorité de députés votent « une motion de censure » ou « désapprouve[nt] le programme ou une déclaration de politique générale du gouvernement, le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission du gouvernement » (article 50).

… pour éviter une crise de régime

Le gouvernement d’un Premier ministre ne correspondant pas aux orientations de la majorité est susceptible d’être renversé par l’Assemblée nationale. S’il se refusait à nommer un Premier ministre issu de la majorité, Emmanuel Macron risquerait de provoquer une crise de régime, plongeant un peu plus le pays dans l’incertitude.

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